jeudi 7 décembre 2017

Le jardin de la Villa d'Este

Villa d'Este - Lucm (2016)


Là se voit ce fameux palais et jardin du Cardinal de Ferrare: c'est une tres-belle piece, mais imparfaite en plusieurs parties, et l’ouvrage ne s'en continue plus par le Cardinal présent. J’y consideray toutes choses fort particulieremant ; j’essayerois de le peindre ici, mais il y a des livres et peintures publicques de ce sujet. Ce rejaillissement d'une infinité de surgeons d'eau bridés et eslancés par un seul ressort qu’on peut remuer de fort loin, je l’avoy veu ailleurs en mon voyage et à Florence et à Auguste. comme il a esté dit cy dessus. La musique des orgues, qui est une vraye musique et d'orgues naturelles, sonnant tousjours toutesfois une mesme chose, se fait par le moyen de l'eau qui tombe avec grande violence dans une cave ronde, voustée, et agite l'air qui y est, et le contraint de gaigner pour sortir les tuyaux des orgues et lui fournir de vent. Une autre eau, poussant une roue à tout certaines dens, fait battre par certain ordre le clavier des orgues ; on y oit aussi le son de trompettes contrefait. Ailleurs, on oit le chant des oiseaux, qui sont des petites flustes de bronze qu'on voit aux regales, et rendent le son pareil a ces petits pots de terre pleins d’eau que les petits enfans soufflent par le bec, cela par artifice pareil aux orgues ; et puis par autres ressors on faict remuer un hibou, qui, se presentant sur le haut de la roche, fait soudain cesser cete harmonie, les oiseaux estant effrayés de sa presence, et puis leur fait encore place : cela se conduit ainsi alternativement tant qu'on veut. Ailleurs, il sort comme un bruit de coups de canon : ailleurs, un bruit plus dru et menu, comme des harquebusades : cela se fait par une chute d'eau soudaine dans des canals, et l’air se travaillant en mesme tamps d'en sortir, engendre ce bruit. De toutes ces inventions ou pareilles, sur ces mesmes raisons de nature, j’en ay veu ailleurs. Il y a des estangs ou des gardoirs. avec une marge de pierre tout au tour, avec force piliers de pierre de taille hauts, au dessus de cet accoudoir, esloingnés de quatre pas environ l’un de l'autre.
Journal de voyage – Michel de Montaigne

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