mardi 29 décembre 2020

Élie Faure et l’automne vénitien


 

Le Concert Champêtre (probablement commencé par Giorgione et achevé par Titien)

 

Le Concert Champêtre est le moment décisif de la grande peinture, Titien partira de lui. La symphonie naît et s’enfle soudain, ses ondes se cherchent et se pénètrent, tout le sang de Venise s’est concentré dans un seul cœur, un cœur chaud, régulier et calme qui distribue la vie avec la puissance admirable de ce qui est maître de soi. Un monde qui va mourir affirme pour la première fois avec tous ses moyens l’immortalité du désir, de la musique et de l’intelligence en les associant à la nature immuable qui s’offre pour les justifier. Les forces de fécondation s’y recueillent dans l’attente profonde de la pleine maturité. Avec Giorgione, l’automne vénitien commence, la splendeur lourde, la sonorité des saisons où les fruits paraissent concentrer la flamme et la chaleur solaire, où leur pourpre translucide arrête à peine sa lumière, où le soir est couleur de cuivre, où les femmes épanouies par les premières caresses et rendues plus pesantes par les premières maternités devraient mettre sur leur chair de gros colliers d’ambre. Leur peau dorée est presque sombre, comme si le sang qui l’arrose avait reçu au travers d’elle le baiser de tous les jours brûlants qui se sont levés sur le monde depuis qu’il sait la volupté. Et cependant, dans les paysages profonds au cœur desquels elles sont étendues, les paysages bleus qui s’enfoncent, leur corps prend un éclat royal, on dirait un soleil vivant qui répand sur les chaumières rousses et les arbres noblement groupés une lueur si chaude et si riche qu’elle semble interdire à l’hiver de renaître et à la nuit de retomber. C’est à peine si nous connaissons Giorgione, à peine si nous pouvons affirmer l’authenticité de trois ou quatre de ses œuvres, mais nous ne pouvons pas les imaginer autrement que baignées dans l’atmosphère d’une après-midi de fin d’été, où la lumière immobile s’amasse dans l’ombre étouffante, où l’on dirait que le vent ne se lève que pour nous faire percevoir des parfums jusque-là matérialisés. Peut-être a-t-il bien fait de mourir jeune pour laisser au génie plus patient et plus sévère de Titien le temps de prendre possession de lui-même. C’est une peinture enivrante comme un vin trop épais.

Élie Faure   HISTOIRE DE L’ART  -  L’ART RENAISSANT             

mercredi 23 décembre 2020

Le TMR

 

Le théâtre municipale de Rezé (2017)

Tout à coup, noyé au milieu d’une architecture disparate, une petite beauté italianisante. Le modeste théâtre municipal de Rezé auquel je trouve beaucoup de charme. Ses trois fenêtres cintrées, le rouge pompéien de sa façade et le souvenir de mes filles, petites danseuses en tutu, fragiles et légères, recherchant un équilibre d’autant plus émouvant qu’il était précaire.