mercredi 16 juin 2021

La solitude de Giacomo Leopardi

 


Leopardi, le malheur d'avoir trop lu et de vivre à Recanati

... à l’âge de vingt-deux ans, quand la jeunesse devrait commencer, pour moi, elle est déjà terminée et passée. Étant donné que, à force d’obstination et d’application inconsidérée, j’ai ruiné ma complexion en pleine croissance, affaibli ma santé, et vu survenir la vieillesse au moment où j’aurais dû recueillir, grâce à ma jeunesse, le fruit de mes efforts passés […] J’ai toujours vécu dans une obscure petite ville, je n’ai ni relations, ni amitiés, ni appuis d’aucune sorte. Si bien qu’après avoir perdu tout autre avantage de la vie, je me vois réduit à perdre aussi, entièrement, cet ultime fruit des études qu’est la conversation des hommes d’esprit, et ce peu de réputation que tout individu insignifiant pense et désire acquérir. Mais celui qui vit enterré dans une ville comme la mienne ne peut jamais espérer devenir, je ne dis pas célèbre, mais même connu en quelque point de la terre. Toutes les fatigues, toutes les douleurs, toutes les pertes que j’ai endurées ne me servent à rien. Ici je suis méprisé, piétiné par tout le monde, tous les espoirs de mon enfance se sont évanouis, et je regrette quasiment le temps que j’ai consacré aux études, en me voyant confondu avec l’infâme lie des fainéants et des ignorants

Giacomo Leopardi, lettre à Angelo Mai, Recanati, le 30 mars 1821


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