– Matelots ! – Ce n'est pas vous, jeunes mateluches,
Pour qui les femmes ont toujours des coqueluches...
Ah, les vieux avaient de plus fiers appétits !
En haussant leur épaule ils vous trouvent petits.
À treize ans ils mangeaient de l'Anglais, les corsaires !
Vous, vous n'êtes que des pelletas militaires...
Allez, on n'en fait plus de ces purs, premier brin !
Tout s'en va... tout ! La mer... elle n'est plus marin !
De leur temps, elle était plus salée et sauvage.
Mais, à présent, rien n'a plus de pucelage...
La mer... La mer n'est plus qu'une fille à soldats !...
– Vous, matelots, rêvez, en faisant vos cent pas
Comme dans les grands quarts... Paisible rêverie
De carcasse qui geint, de mât craqué qui crie...
– Aux pompes !...
– Non... fini ! – Les beaux jours sont passés :
– Adieu mon beau navire aux trois mâts pavoisés !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tel qu'une vieille coque, au sec et dégréée,
Où vient encor parfois clapoter la marée :
Âme-de-mer en peine est le vieux matelot
Attendant, échoué... – quoi : la mort ?
– Non, le flot.
Île d'Ouessant. – Avril.
Tristan Corbiere - Les Amours jaunes (1873)
mercredi 15 février 2017
Âme-de-mer en peine
Posted by
Lucm Rezé
Labels:
Julien Gracq,
littérature,
Loire,
marin,
mer,
Nantes,
poésie,
port,
Rezé
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire