Depuis le XVIIIème siècle, le terrain de l’actuel parc de la Morinière à Rezé a été le lieu de
nombreuses implantations industrielles. Sur ce coteau surplombant la Sèvre se sont succédés le dépôt de poudre de la ville de
Nantes, la manufacture royale des
engrais, une savonnerie à l’huile de palme, une tannerie-corroierie et enfin la Société
Nantaise de Produits Chimiques fabriquant des «bleus»
pour le traitement du minerai d'or. L’immense
cheminée en brique de la SN a été
épargnée. Son avaloir, la vertigineuse élévation
de son conduit, son couronnement, témoignent du remarquable travail des fumistes.
LA CHEMINÉE
D'USINE (Francis Ponge- 1962)
Par ce beau stylo neuf s'érigeant immobile à partir d'un
chaos de maints petits carnets, bouche bée en l'azur, bien avant que d'écrire,
à d'obscures questions haute issue est donnée.
Proposons-la tout droit aux faubourgs de l'esprit, telle
qu'un beau matin je m'y trouvai sensible. Point d'interrogation là-dessus.
Nul ne sait si la notion de cheminée d'usine souhaite ou non
pénétrer un peu profondément dans l'esprit ou le cœur de l'homme, car, à la
différence de la flèche d'église par exemple, elle n'est pas faite pour cela.
Pourtant elle y parvient, voici de quelle façon.
Quel merveilleux attrait pour un quartier, me dis-je un
jour, que de compter une à plusieurs de ces jeunes personnes !
(Il est de fait qu'à notre époque aucune n'est encore bien
âgée)
Les sommités gracieuses ! S'il en fut.
Fut-il jamais constructions plus hautes montrant moins de
fatuité. Plus innocemment, plus tranquillement altières. Plus finement
pénétrantes aussi.
Comme l'aiguille d'une piqûre bien faite, qui ne fait pas
mal.
Comme ces jeunes filles, épées charmantes, blessantes au
possible, dont on s'aperçoit qu'on en meurt quand elles ont profondément
pénétré en vous.
J'ai été percé d'amour par l'une d'elles, haut baguée.
Ô, crayon terminé par une bague !
Quoi de plus ravissant que ces simples filles, longues et
fines, mais bien rondes pourtant, au mollet de briques roses bien tourné, qui,
très haut dans le ciel, murmurent du coin de la bouche, comme les figures de
rébus, quelque nuage nacré.
Quel élégant souci de réserver au ciel les fumées d'un
travail à ras de terre, voire d'un feu souterrain !
Oui, c'est très haut dans le ciel que tu lâches ton nuage,
ton souci, ton effusion...
Tu tiens dans ton carquois, long étui à vertus, parallèles
en toi, brillantes comme aiguilles, à la fois de la flûte et de la jolie jambe,
de la plus haute et la plus mince tour, de la lunette astrologique et du stylo
à plume rentrée, — terminé alors par un méat des plus touchants : comme la
bouche muette des poissons, ou celle, plus minuscule encore, d'où s'échappe le
sperme (lui aussi, simple flocon nacré).
Mais je m'en aperçois à ce que je viens de dire : au risque
de terminer ce texte par une pointe (pourtant, c'est le contraire),
manifestement, pour t'imiter mieux, je dois rentrer la plume de mon stylo...
Cette fable, entre autres choses, signifie que :
Tandis que les flèches par quoi se terminent encore la
plupart des belles constructions idéologiques ne m'atteignent plus,
Pénètrent au contraire profondément dans mon esprit et dans
mon coeur,
Les postulations les plus simples, les plus naïves,
Qui ne sont pas faites pour cela.
Les forges de l'esprit fonctionnent nuit et jour. N'importe
quoi s'y fabrique.
Pour obscures qu'en soient les émanations,
Ou parfois vaporeuses,
Par un stylo bien droit
Leur cheminement est le même :
Volute après volute
A leur dissipation hautement éconduites,
Qu'enfin
par le vent seul la question soit traitée !
Lorsque l'on veut parler des cheminées il est difficile d'échapper à une symbolique connotée qui peut être toutefois joliment rédigée et amusante comme dans ce texte.
RépondreSupprimerCette grande élévation en briques se repère dans le paysage et témoigne d'une activité industrielle pas si lointaine que cela.
Dans mes pérégrinations picturales, j'ai rencontré des cheminées d'usine en plein Paris, mais elles n'y ont pas fait long feu ! Pas comme cette remarquable cheminée, parfaitement conservée.
RépondreSupprimerDans mon coin, il y a pas mal de cheminées industrielles. Les tuileries, briqueteries, distilleries avaient chacunes la leur.
RépondreSupprimerBonsoir
RépondreSupprimerJ'aimerais bien savoir comment étaient construites ces cheminées....
cher Mecaso, je suppose qu'ils commençaient par le bas
SupprimerBonsoir
RépondreSupprimerAh! Ah! Ah!
Tu crois.....????
Mais, ça ne répond pas à ma question....