lundi 13 mai 2013

Le cœur de Parlerme


 
Le carré déserté de la Piazza Magione

« Est-ce à la seule mafia qu'il faut attribuer ces ruines, cette désolation, ce climat d‘insécurité et d'angoisse, ce silence de couvre-feu ? Peu de villes exercent pourtant une attraction aussi forte. Naples étourdit de sa bruyante volubilité, Palerme stupéfie par son mutisme. Seules certaines rues, le matin, sont animées. Mais quel tohu-bohu, alors, quelle débauche de couleurs, quelle dépense de cris ! Les commerçants — mot qui sent beaucoup trop l'institution, le statut social, pour désigner une race de nomades dépourvus de locaux — ont déballé leurs marchandises sur des éventaires démontables. Près de l'église San Domenico s'entassent les fruits, les légumes, les poissons que protègent du soleil des toiles blanches tendues d'une façade à l‘autre. Entre le Gesù et le Carmine, sur la piazza Ballarò étirée en longueur, un marché encore plus abondant aligne ses monticules de nourritures, entre les mouches, les cantilènes flûtées des jeunes garçons et les rauques appels des matrones. Âpres ou pulpeuses mélopées, qui s'agglutinent dans la chaleur, obstinées, hypnotisantes, et ne s‘arrêtent que lorsqu'un client s'approche d‘un tréteau : on n'entend plus alors qu'un véloce murmure de paroles cajolantes, qui remontent à tire-d'aile, infatigables comme le vol des oiseaux, quand l‘achat est conclu. Autour de l'église Sant'Agostino, voici les chaussures, les tricots, les lampadaires, les cravates, les stylos, les bonbons, la mercerie, la ferblanterie, n'importe quoi dont on puisse tirer mille lires. »
Dominique Fernandez - Le radeau de la gorgone

Le marché Vucciria


La fontaine commune des vias Cassari et Argenteria


« Je comprends l’amertume, le désabusement de Sciascia, mais aussi son tenace amour pour sa terre. Quand je repense à tout ce que j’ai vu en dix jours, les étendues désertiques des champs jaunes, les gardiens armés debout dans les jardins d’agrumes, les responsables syndicaux qui tournent le dos à la caméra, les rhapsodes qui magnifient les assassins, les éboueurs qui ramassent à la mains les ordures, les chefs de la police contraints de pasticher les boss de la mafia – quand je songe à la misère de l’île et à l’indifférence de Rome pour les insulaires et à tous les malheurs qui les forcent à mettre leur génie dans le crime – j’ai beau me dire qu’il faut être fou pour aimer la Sicile, je sais que mon cœur est resté à Palerme. »
Dominique Fernandez - Les événements de Palerme


via Raimondo Franchetti


La Judica,  quartier des marchands de meubles

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