jeudi 17 septembre 2015

Évasion ample



Petit matin gredin. Je suis mal vu, mal aimé du flot. Le cœur pressé comme de l'étoupe. Les yeux rivés dans le vague, tout humectés d'embruns.
L'esprit ailleurs, sous d'autres totems, débarrassé de tous liens et autres foutaises édulcorées, je contemple. je me borne à contempler. Rien en l'instant ne me fascine plus que cet espace déjanté qui me souffle dans les trous de nez. 

Corps meurtri. Cœur éreinté. Jamais, malgré la rude et impitoyable réalité, envie de lamenter ou pleurnicher. D'ailleurs, à quoi cela servirait-il ? Qui donc ici pourrait s'en émouvoir ou inquiéter ?
Je me réserve encore cette faculté contemplative et admirative pour le temps qu'il me reste d'errances à vivre. 
Détaché de tant de futilités qui font bruire et s’émouvoir, se quereller et déchirer bon nombre de mes frérots humains, j'évade ample. Ce pourquoi, à ce jour, à cette heure, libéré de toutes attaches et obligations, sereinement, je pourrais aisément me foutre à l'eau, me laisser sombrer, engloutir pour de vrai, sans le moindre regret. 
Nous aussi, gens d'océan, percevons intuitivement lequel pourrait être notre bon jour pour mourir.

Alain Jégou - Ikaria L0 686070 (2004)

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